3 - Les lampes Acorn

Le début des années trente voit le développement rapide des communications sur des fréquences de plus en plus élevées.

Toutefois un obstacle notable à cette tendance réside dans les tubes classiques dont les performances chutent rapidement au delà de quelques dizaines de mégahertz.

Encombrants, avec des capacités interélectrodes importantes, des connexions internes trop longues aboutissant à un culot et un support de mauvaise qualité... Il y a beaucoup à faire.

Prenons, par exemple, une vénérable 10Y, également connue sous son immatriculation militaire VT25.

Cette triode de puissance est encore citée dans le manuel R.C.A. de 1956 concernant les tubes d'émission, en indiquant toutefois qu'il ne s'agit que de remplacement.

Sa fréquence limite pour emploi a pleine puissance est de... 8MHz...

En octobre 1934 R.C.A. lance une famille de tubes radicalement différents, les tubes "ACORN" appelés ainsi en raison de leur forme rappelant le gland du chêne.


lampe Acorn (1)

De très petites dimensions, pour réduire les capacités et connexions parasites, sources de pertes, la construction "tout verre" élimine également les fuites dues au support. Comme il faut bien un support pour fixer le tube et le relier au montage, on utilise des petites pinces serties sur une couronne de stéatite, nouveau matériau présentant de faibles pertes en haute fréquence. Mais cette matière est toutefois d'une mise en oeuvre assez difficile et reste mécaniquement fragile, ne supportant pas les chocs et flexions. Les supports de lampes conventionnels, réalisés en matière plastique de bonne qualité, verront le jour presque dix ans plus tard ; pour l'heure on en est toujours à la populaire "BAKELITE" (suite à son invention au début du siècle par le chimiste Américain d'origine Belge, le Docteur BAEKELAND).

Obtenue à partir de résine phénolique, chargée le plus souvent de farine de bois, elle est affligée de pertes trop élevées au delà de quelques mégahertz. Les matières à charges minérales, genre mica, communément appelée "bakélite verte" (allez savoir pourquoi puisqu'elle est jaune...) seront largement utilisées dans le matériel militaire "tropicalisé" devant résister aux moisissures consécutives à l 'emploi dans les climats chauds et humides de la guerre du pacifique.

Malgré leurs faibles pertes ces dernières matières résistent encore mal aux températures élevées rencontrées sur certains tubes de puissance. Les matières synthétiques, Diallylphtalates ou Alkydes, renforcées avec des fibres de verre, arrivent vers 1955 et règlent l'ensemble des problèmes.




Mécaniquement très résistantes, utilisables à plus de 200 degrés avec de faibles pertes sur plusieurs centaines de mégahertz, elles sont, de plus, d'une mise en oeuvre aisée à un coût raisonnable.

Dans ce domaine le "TEFLON" de DUPONT DE NEMOURS occupe une place à part : découvert presque par hasard au début de 1938 il est utilisable en hyper­fréquence et à des températures avoisinant les 250 degrés.

Il est toutefois resté d'un coût élevé de production de la matière de base où de sa transformation finale, réservant son emploi à des applications de "haut de gamme".

Mais revenons a nos... glands.

La paire de base, 954 pentode et 955 triode, prospère rapidement pour s'enrichir de la 956, pentode à pente variable, et des diodes 9004-9005, le tout avec un filament chauffé sous 6,3 volts 0,15 ampère.


lampe Acorn (2)

Pour des applications où une faible consommation est souhaitée (matériel portable) on crée les triodes 957 et 958 ainsi que la pentode 959, chauffées sous 1,25 volt et 50 ou 100 milliampères suivant les modèles.

Ces derniers chiffres sont remarquables et préfigurent la série "miniature" à 7 broches (1R5-1S5-1T4 etc) également alimentée par une pile sèche 1,5 V. Rapidement le succès rencontré par ces tubes amène leur fabrication sous d'autres marques : PHILIPS en 1937, MINIWATT-DARIO 4671 triode et 4672 pentode, ou leur adoption sur du matériel militaire Anglais VR95 (954). Les Allemands auront leur DS310 LORENZ dont le corps de l'ampoule est plus long.

La réduction des dimensions des électrodes dans un rapport de dix est obtenue en conservant à la pente et au coefficient d'amplification les valeurs courantes.

Les capacités parasites inter-électrodes sont ramenées à moins d'un picofarad, ceci permettant l'emploi à plusieurs centaines de mégahertz. Dans le cas des diodes la capacité anode-cathode de 1,3 picofarad pour la 9004 descend à seulement 0,8 picofarad pour la 9005, en réduisant encore les dimensions des électrodes et en plaçant celles-ci horizontalement, en travers du tube, au plus près des connexions.

Seule restriction, la dissipation plaque est forcement limitée en raison de la petitesse de cette dernière ; toutefois ceci n'est guère gênant dans les applications en réception.

La diminution des dimensions de ces tubes apporte deux avantages immédiats : réduction du temps de transit des électrons entre cathode et plaque, sans élévation des tensions de fonctionnement, et surtout possibilité de placer les tubes au plus près des circuits accordés.




Cette liberté donne des montages où les tubes sont placés horizontalement au lieu de l'habituelle verticale, souvent au travers d'une cloison afin de minimiser la longueur des connexions inter-étages.

Poursuivant plus avant le principe de réduction des inductances parasites des connexions on arrive aux 6F4 et 6L4 ; triodes disposant de 7 broches de sortie, au lieu des 5 habituelles à ces tubes, abstraction faite des sorties axiales de grille ou de plaque des pentodes.

Ainsi on dédouble les liaisons à la grille et à la plaque avec pour résultat les 45 milliwatts délivrés à 1200 mégahertz par une 6F4, qui peut donner jusqu'à 1,8 watt à des fréquences inférieures.

Cette puissance, qui parait modeste de nos jours, est pourtant remarquable à ces fréquences et prouve la qualité de cette famille de tubes, très en avance sur son temps. Pour preuve on comparera les caractéristiques des 9001-9002-9003 de la série miniature 7 broches, sortie quelques années après, aux 954-955-956 : ce sont les mêmes, aux capacités internes près... on ne change pas une bonne équipe. Si, de plus, on considère la série allant de 9001 à 9006 on trouve un étonnant mélange incluant des tubes miniatures 7 broches et acorn, recouvrant les deux familles... cela n'est pas un hasard. Ces tubes vont être largement utilisés sur des émetteurs ou récepteurs dont certains seront célèbres ; citons :


BC406

Parmi les multiples emplois de ces tubes on note leur présence dans nombre d'indicateurs "Ami-Ennemi" (IFF) largement répandus dans l'aviation militaire.

Enfin on relève la curieuse coexistence, dans la balise BP, d'une 955 en oscillatrice locale du récepteur, avec des 2C40 amplificatrice HF et mélangeuse théoriquement plus efficaces à ces fréquences...





radio-altimètre

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