Le début des émissions régulières de T.S.F, en France, date de février 1922 sur FL, célèbre indicatif de la Tour EIFFEL.
En plus du service de l'heure, très apprécié en un temps où les montres a quartz n'existent pas, les informations et radio-concerts attirent un nombre croissant d'amateurs réalisant tout où presque par eux mêmes. L'ennui est que les lampes TM (Télégraphie Militaire) héritées de la grande guerre sont gourmandes en puissance consommée par un filament de tungstène pur, que les 4 volts sous 0,7 ampère rendent incandescent aux 2500 degrés requis pour une émission électronique acceptable.
Avec une moyenne de 4 tubes par récepteur, cela fait près de 3 ampères que doit fournir une batterie au plomb qu'il faut souvent recharger.
Ennui d'autant plus grand que l'électrification de la France est loin d'être terminée et que les chargeurs d'accumulateurs, tels que nous les connaissons, sont inexistants.
Le plus souvent il faut porter la batterie à charger chez un garagiste qui fait parfois plus de mal que de bien. Les chroniques amateurs du moment se font l'écho du prix élevé demandé pour un travail souvent bâclé.
Les temps n'ont guère changé, et il y a encore, de nos jours, des artistes qui vous rechargent les batteries en 20 minutes... plaques gondolées et longévité garanties.
Ceci joint au prix et à l'entretien normal d'une grosse batterie, provoque une forte sujétion.
Suggestion est donc faite aux ingénieurs des sociétés fabricant les tubes de remédier a ce problème.
Une première solution arrive en 1920 avec la UV201 de R.C.A. qui met a profit les travaux d'Irwing LANGMUIR. Ce remarquable ingénieur de la Général Electric, futur prix Nobel, après avoir systématiquement étudié les propriétés émissives du tungstène, obtient une grande amélioration avec le tungstène thorié fonctionnant vers 1900 degrés, soit presque 600 de moins qu'auparavant.
Le pouvoir émissif des filaments en tungstène thorié est environ six fois celui du tungstène pur, avec une valeur moyenne de 5 mA par watt consommé par le filament, tout en ayant une durée d'utilisation sensiblement doublée. Dans la foulée, les européens sortent des tubes à faible consommation : avec seulement 60 milliampères sous 4 volts cette génération de tubes allonge considérablement la durée d'utilisation d'une batterie et autorise même l'emploi des piles sèches. Peu après, la sortie des filaments recouverts d'oxydes de baryum fait encore descendre la température de fonctionnement qui passe sous les 1000 degrés tout en allongeant notablement la longévité des filaments.
Les WD11-WD12 de Westinghouse, sorties aux U.S.A. en mars 1921, ont un filament de platine irridié recouvert d'oxydes de baryum et de strontium, et une durée de vie espérée de plus de 1000 heures avec 0,25 ampère sous 1,1 volt. Nous retrouvons certaines de ces lampes, sur fond de leurs caractéristiques relevées à la table traçante soixante dix ans plus tard :
Une bigrille OSRAM, la FOTOS-GRAMMONT bleue, dite "triode universelle", A409 PHILIPS, encore une triode à l'ampoule de couleur bleue ; sortie en 1923 la R36 RADIOTECHNIQUE, et, enfin, une triode Italienne FIVRE RRBF. On notera la pente modeste (0,9 mA/V) de la populaire A409 pour un coefficient d'amplification de 9 sous une tension plaque de 40 à 8O volts. Egalement bon nombre de tubes du moment doivent utiliser des tensions positives sur la grille pour sortir un tant soit peu de courant anodique, ceci n'est pas sans poser quelques problèmes liés au courant grille en découlant. Il est toujours possible de pousser la tension plaque pour passer "du bon coté" des tensions grille ; mais tous les tubes ne le supportent pas sans faire apparaître de jolies lueurs bleues indiquant un vide imparfait. Les lampes sont désormais prêtes pour atteindre le grand public.
On ne peut décrire les diverses familles de lampes sous l'aspect purement "électronique interne" sans évoquer leurs indispensables compagnons : les supports, ou plus exactement, le duo culot de lampe/support de lampe.
Si de 1915 à 1925 le support 4 broches de la triode TM domine la situation, les choses bougent, timidement, avec l'adjonction au centre de ce culot d'une broche supplémentaire requise par les "bigrilles" à chauffage direct.
Ensuite, durant dix ans, une éclosion de supports divers donne l'impression d'une aimable pagaille... chacun y va de SON support qu'il pense naturellement être le meilleur :
Il s'agit d'ailleurs réellement de supports. au sens moderne du mot car, auparavant, pour les premières lampes, on utilisait des douilles séparées qui étaient vissées dans le panneau supérieur du récepteur, généralement réalisé dans une feuille d'ébonite, caoutchouc vulcanisé avec au moins vingt pour cent de soufre.
Types Américains a 4/5/6 et 7 broches : pour ces tubes l'orientation sur le support s'effectue par des broches de différents diamètres.
En 1935 et 1936 un coup d'arrêt à cette anarchie est donné par la sortie de la série "Transcontinentale" PHILIPS à 5 broches (type V) et 8 broches (type P) en Europe, et "Octale" (8 broches..!..) aux Etats-Unis.
La série Transcontinentale aura plusieurs variantes suivant la tension du filament : K pour 2 volts, A pour 4 volts, E pour 6,3 volts, C pour 13 à 30 volts sous 0,2 ampère, cette dernière version pour montage en série des tubes. Disposant désormais d'un nombre suffisant de connexions vers le monde extérieur les ingénieurs créent deux familles très complètes couvrant l'ensemble de la demande, notamment pour les fonctions complexes du changement de fréquence par triode plus hexode (ECH3-6J8-6K8) dans la même ampoule. De plus elles sont d'une mise en place aisée, notamment la série octale dont le plot central, muni d'un ergot de détrompage, sera reconduit sur d'autres familles (LOCKTAL...HARMONIE...).
Culots : Européens 4 broches et 5 broches, Anglais 7 broches, Transcontinental 5 broches et 8 broches, Américain octal... plus quelques supports...
Ces deux séries sont très utilisées durant dix ans en dépit de l'apparition de quelques perturbateurs.
En premier lieu la série "Harmonie" de TELEFUNKEN sortie vers 1938 : dans la plupart des types (EDD11-ECH11-EF12-EF14) l'ampoule verre est remplacée par un petit boîtier métallique très compact ; quelques références (UL11) ainsi que "l'oeil magique" EM11 conservant toutefois le verre pour l'ampoule.
Les 8 broches de sortie sont groupées en 5+3 avec un plot central analogue aux tubes de la série octale. A noter le marquage de la référence par gravure en creux du boîtier, dans la plupart des cas, ce qui met à l'abri des effacements accidentels.
La diffusion de ces tubes sera limitée par suite de la prédominance du matériel d'origine américaine dès la fin de la guerre 1939/1945.
Famille "Locktal" sortie aux U.S.A vers 1939, doit son nom à l'aspect en forme de clé de l'ergot central (lock=clé) servant à la fois au positionnement et au verrouillage en place (lock...) grâce à un support muni d'un anneau ressort dans sa partie centrale.
Avec, au passage, un rappel du nombre "ocktal" de broches..??.. Reprenant les types classiques de la famille octale, mais avec une verrerie nettement moins haute, on trouve les sous-familles "7" à chauffage 6,3 volts ou "1L" à chauffage 1,4 volt 50 mA. dont la 7R7 double diode plus pentode et 1LC6 heptode changeuse de fréquence sont deux exemples.
De gauche à droite : Harmonie - Locktal - Européen "à clé" - deux Miniatures Rimlock tout verre et avec anneau métallique - Noval... quelques supports.
La série de base, munie de 8 broches, est largement utilisée sur le matériel militaire américain : BC620, BC659 (14 tubes), et aura quelques descendants en Europe dont "l'oeil magique" EM71 (LORENZ-MULLARD) qui mérite une mention pour ce qui nous semble la première apparition de la présentation en "oreille de lapin" de l'écran fluorescent au lieu du classique trèfle à quatre feuilles des indicateurs d'accord habituels.
On retrouvera cet aspect sur les EM85 de la série "noval".
Revenons aux tubes "Locktal" : une extension à 9 broches de cette famille verra le jour en Europe, dont les EF5O-EF55 ainsi que la pentode à émission secondaire EFP6O sont représentatifs. Le tube EF50 sera souvent utilisé dans les récepteurs de télévision.
Presque en même temps que la série Locktal apparait, aux U.S.A, la série "Miniature" sept broches, de construction "tout verre" qui diminue très nettement le volume occupé, tout en offrant d'excellentes performances, avec seulement 19mm de diamètre pour 45mm de hauteur totale (6AJ5). Cette série aura une très grande diffusion entre 1939 et 1959 en raison, entr'autres, de l'excellent équilibre entre consommation-encombrement-gain-bruit-etc. qui lui feront supplanter la série octale dans toutes les fonctions courantes en réception.
Prenons, pour ne citer qu'un tube, le 6AK5 : ses qualités lui permettent d'être utilisé tant en réception Radar, où il élimine les 6AC7 des amplificateurs moyenne fréquence large bande sur 30 ou 60 MHz, ou encore en amplification vidéo à large bande du millivoltmètre BALLANTINE 314 des années 1950, sans parler de son emploi en réception HF/VHF. Il en sera produit des quantités prodigieuses, notamment dans la version professionnelle 5654.
Le support des tubes "miniatures", bien qu'assez petit, est d'un câblage aisé, la mise en place des tubes ne posant guère de problème malgré l'absence d'un guidage central.
Il est toutefois difficile de réunir plusieurs éléments dans la même ampoule en raison du nombre limité de sorties : ainsi la double triode 6J6 a sa cathode commune aux deux triodes.
La dissipation plaque est aussi quelque peu limitée vu les petites dimensions du bulbe de verre, ce qui restreint l'emploi aux tubes de réception courants ou aux tubes pour amplification basse fréquence de puissance modérée telle la 6AQ5 qui dissipe quand même autant que sa soeur aînée octale 6V6. Les choses bougent encore en 1948 en Europe avec l'arrivée de la famille "Rimlock" dont l'ampoule revient aux 8 broches classiques, mais en version "tout-verre" avec verrouillage, par un ergot latéral, dans un support muni soit d'un ressort en forme de lame, ou bien d'un anneau périphérique, qui maintient le tube verrouillé dans le support. Certains tubes sont munis d'une bague métallique à leur base, à la manière du cerclage par une jante (RIM=jante); toutefois le plus grand nombre en est dépourvu le verrouillage s'effectuant sur une pointe de la verrerie. Toutes les fonctions habituelles sont présentes, dont, par exemple, la double diode de redressement HT EZ4O ou la double triode ECC40 dont toutes les électrodes sont accessibles au support.
Chez MAZDA cette série est rebaptisée "Médium".
L'emploi de ces tubes sera généralement limité aux applications "radio et basse fréquence" grand public en raison de l'arrivée presque simultanée de la petite dernière... pour le moment... la série "Noval".
Comme son nom le laisse deviner, ce type de tube comporte neuf broches avec passage direct des connexions, à travers le fond du tube, vers le support. Apparu à la fin des années quarante, il supprime quelques limitations des familles précédentes en ce qui concerne les tubes a plusieurs éléments.
Un des premiers, sinon le premier, tubes de la série "Noval" est le 12AU7 double triode chauffée sous 12,6 volts ou 6,3 volts suivant les connexions utilisées.
En fait cette référence, déjà notée au "Vade-Mecum" BRANS de 1948, n'est pas autre chose que la miniaturisation d'une série de tubes famille "octale". Les pente, résistance interne, polarisation, etc. sont les mêmes que pour 6SN7=6F8=2x6J5 amplificatrices basse fréquence de tension bien connues. Rapidement d'autres tubes suivent, 12AT7-12AX7, puis toute la gamme habituelle pour donner un ensemble très complet qui sera utilisé plus de 25 ans. Reprenant les acquis des familles antérieures ces tubes sont utilisés dans toutes les applications possibles depuis l'amplification basse fréquence de tension 12AX7, jusqu'à l'amplification de petite puissance sur VHF avec double tétrode QQEO3-12.
De nombreux tubes réalisés sous l'appellation "SQ" (sécurité qualité) ou ***** (cinq étoiles) confirmeront la fiabilité de cette série, très robuste tant mécaniquement (vibrations - chocs), qu'électriquement.
A noter la présentation latérale, et non plus frontale, des écrans des indicateurs d'accord ; en raison du diamètre restreint des tubes noval qui n'aurait pas donné une bonne visibilité, sans parler du queusot de vidage situé au sommet des tubes, donc incompatible avec la verrerie standard. Pour ne pas en rester là, on sort la série MAGNOVAL qui est une version "grand modèle" du noval courant et dont l'emploi sera généralement réservé au balayage TV demandant plus de puissance, donc plus de dissipation plaque et, par suite, une verrerie de plus grandes dimensions. La pentode PL519 de cette série semble être un des derniers tubes réalisés pour les applications grand public avant le raz de marée des semi-conducteurs. Citons encore la série DECAL (ECH2OO-ECL2OO) dont les dix broches donnent toute liberté pour réunir dans une même ampoule plusieurs éléments distincts. Arrivant vers 1963, ils sont destinés aux récepteurs de télévision qui font une grande consommation de tubes.
Aux Etats-Unis la série COMPACTRON, avec ses 12 broches, sera, vers 1960, l'étape ultime de la course au nombre de connexions tube/support, tout au moins pour les lampes classiques... On fait beaucoup mieux avec certains tubes "compteurs"...
On ne peut clore le chapitre des supports sans évoquer les embases spéciales réservées aux tubes de puissance ou, parfois, réalisées pour une lampe donnée :
Ou encore les supports des tubes militaires allemands de la guerre 39/45 qui étaient, le plus souvent, placés la "tête en bas" dans un montage pinçant les ergots latéraux des tubes RV12P2000 ; ou spéciaux pour LS5O ou RL12P35.
De tout un peu... des tubes... Magnoval et Compactron... des supports... Jumbo, Septar, Acorn et Antivibratoire... des blindages...
Un mot encore sur les blindages : présents sur de nombreux tubes afin d'éviter les couplages intempestifs, source de bruit, voire d'oscillations.
On les trouve dans diverses présentations, depuis le modèle simple, en laiton nickelé, puis noirci pour mieux évacuer les calories, ou enfin dans la version professionnelle, munie de lamelles internes réalisant un bon contact thermique sur l'ampoule... souvent plus coûteuse que le tube lui même.