2 - Les pompes

Les trompes à mercure

Un tube électronique n'est au fond qu'une petite enceinte de verre ou métal avec quelques tiges et fils bobinés en spirale, le tout comportant un minimum d'air dans ladite enceinte... rien de bien compliqué n'est-il pas... ? ... A priori la séquence logique de cette construction semble être l'assemblage des éléments internes (plaque-grille-filament) suivi de leur montage dans "l'emballage" et enfin le vidage au moyen d'une pompe plus ou moins élaborée. Or c'est justement cette dernière opération qui nous a paru devoir être solutionnée en premier, tout au moins sous l'aspect "pompes". En effet les Amateurs audacieux qui se sont lancés dans cette aventure ont subi les limites imposées par la seule pompe qui leur soit accessible, à savoir la "trompe a mercure".

Bien que de nombreux modèles existent, rappelant bien souvent le nom de leur inventeur, (SPRENGEL... TOEPLER...) ils procèdent toujours du même principe : un tube de chute reçoit du mercure s'écoulant goutte à goutte, mais toutefois assez rapidement, à partir d'un réservoir relié par un siphon empêchant l'air de rentrer. L'air contenu dans le volume a vider est entrainé sous forme de petites bulles intercalées dans le chapelet des gouttes de mercure.

Ceci donne une construction assez simple à la portée de tout amateur un peu habile de ses doigts... et sachant travailler le verre. Toutefois cette simplicité est contrebalancée par divers inconvénients : la lenteur du processus, liée au débit, donc à la section des tubes qui est limitée à un diamètre intérieur de 2 mm maximum pour obtenir un bon vide. Dans ces conditions il faut une demi-heure à une heure pour venir à bout de l'air que contient une triode classique, durée variant avec l'appareillage annexe qu'il faut également vider (tubulures de raccord... manomètre éventuel de contrôle...). En pratique, dans notre application, cette durée n'est pas un défaut rédhibitoire, un amateur se devant d'être patient... encore que...

Plus grave est la limite inférieure de la pression obtenue avec ce genre de pompe, le mercure ayant une tension de vapeur (relisez vos cours de physique... ) d'environ 0,001 mm de mercure aux températures courantes, pour descendre à 0,0004 mm à zéro degré.

On ne peut prétendre à un meilleur vide à moins d'utiliser des "pièges" refroidis, par exemple à l'azote liquide, ce qui sort nettement de nos possibilités. Et encore faut-il utiliser du mercure parfaitement pur, bien sec et exempt d'impuretés, zinc, plomb, résidus cuivreux qui vont s'ingénier à dégrader les choses. Vues sous cet angle les qualités du mercure que nous utilisons dépendent directement du prix d'achat : de 50 Francs les 100 grammes chez les fournisseurs de produits pour laboratoires, à 20 Francs le kilogramme chez les ferrailleurs du Marché aux Puces. Bien sûr, dans ce dernier cas, il ne faut pas être trop regardant sur la qualité du mercure à la surface duquel nous avons vu flotter une bille de roulement et quelques résidus oubliés au fond du bocal de harengs marinés ayant reçu les 4 Kg de la transaction... Après décrassage sur un papier filtre, nettoyage à l'acide nitrique et enfin séchage à l'acide sulfurique cela nous a donné un produit, sinon parfait, du moins très acceptable pour notre emploi... Nous sommes loin de la distillation sous vide du mercure...

Malgré les limites évoquées ci-dessus de nombreuses triodes ont été vidées avec des trompes à mercure, à commencer par les illustres Audions de LEE DE FOREST, et, pour peu que les tensions appliquées restent modérées, ont correctement rempli leur fonction.

Une dernière contrainte dans l'emploi de ces trompes vient du relevage du mercure qui doit être régulièrement récupéré, dans le récipient au bas du tube de chute, pour remplir le réservoir et continuer le cycle. Ceci est particulièrement fastidieux aussi diverses améliorations ont été proposées : la plus courante consiste à employer une seconde trompe, à eau cette fois, chargée de remonter le mercure en haut de la pompe principale.




A ce stade de notre projet, et malgré les limitations évoquées, il devient évident qu'il faut réaliser une trompe à mercure, ne serait-ce que pour se familiariser avec les divers problèmes soulevés : mesure du degré de vide (manomètres), étanchéité (joints), graisse pour vide, problèmes éventuels liés à l'emploi du mercure, ceci avant de passer à plus performant.

Après lecture attentive des descriptions de plusieurs modèles de trompe, en particulier celles de Monsieur MIGNET, et plusieurs tentatives incertaines... nous arrivons à la version représentée ci-dessous : avec pour principale caractéristique l'emploi de métaux, avec l'exception du couvercle supérieur et du réservoir de mercure, en bas du tube de chute, obtenus à partir de tubes à essais coupés à la longueur voulue.

trompe Mignet
tête
pied

Dans le cas d'une pompe soumise à rude épreuve au cours de divers essais, avec parfois des chocs, cela met à l'abri de la casse d'un modèle réalisé entièrement en verre. Plusieurs essais sur la forme ou la position du tube gicleur n'ayant pas montré la nette supériorité d'un quelconque modèle, le plus simple s'est révélé le plus efficace (comme cela est souvent le cas... ) donc nous amenons le mercure juste au dessus du trou du tube de chute, assez près, un point c'est tout. Une vue rapprochée de la "tête de pompe" montre l'ensemble. Une pompe péristaltique assure la circulation automatique du mercure qu'elle relève au niveau de la trompe.




Avant de poursuivre quelques mots sur ce type de pompe, peu connue en dehors des milieux industriels et, surtout, médicaux où elle est irremplaçable, par exemple en dialyse sanguine.


pompe péristaltique

Suivant le croquis un tambour, portant trois galets à 120 degrés les uns des autres, tourne en écrasant un tuyau souple dans lequel se trouve le fluide à pomper (généralement un liquide). Il y a toujours deux galets en action sur le tuyau, leur mouvement engendrant le déplacement du volume contenu dans le tuyau entre les deux galets. Cette pompe présente de nombreux avantages : en premier lieu l'absence totale de pollution du liquide à pomper par le milieu extérieur puisque le tuyau, choisi compatible avec le fluide, est étanche bien que déformable ; de même il n'y a pas de fuite en sens inverse. Ensuite le débit, fonction du diamètre du tube et de la vitesse de rotation du tambour, est très aisément réglable depuis zéro ou presque (un tour par minute...) jusqu'à plusieurs dizaines de litres par minute pour les gros diamètres.

La matière utilisée pour le tuyau est à choisir avec soin pour chaque application. Dans notre cas le silicone habituel est fortement déconseillé car rapidement attaqué par le mercure qui se trouve ensuite pollué par des dépôts noirâtres...

Le VITON est par contre excellent dans l'emploi, aucune dégradation n'étant visible, même après un long usage.

Toutefois son prix très élevé nous a fait choisir le NORPRENE qui se dégrade assez peu, après un temps d'utilisation jugé raisonnable, offrant ainsi un excellent rapport qualité/prix. Notons en passant qu'il est également possible d'utiliser (a titre de dépannage) les pompes peristaltiques en pompe à vide simples : un vacuoscope (environ 50 centimètres cubes) est amené a 20 millibars au bout d'une demi-heure... pas vraiment rapide... Avant d'abandonner le sujet passionnant que sont les pompes péristaltiques, nous ne pouvons que conseiller la lecture du catalogue de la société BIOBLOCK qui donne une foule de renseignements sur ces pompes et leurs accessoires, notamment les divers tuyaux. Poursuivons l'examen des constituants de la pompe : les tubes de chute ainsi que de remontée du mercure sont obtenus à partir d'un tuyau en acier inoxydable de diamètre intérieur 2 mm, fileté sur son diamètre extérieur (4mm), directement vissé dans le corps de la pompe avec interposition d'un peu de graisse aux silicones "spéciale vide"(cf. BIOBLOCK).

De même pour le tube en NORPRENE sortant de la pompe péristaltique, simplement glissé sur le tube en acier de remontée du mercure. Dès à présent on notera la simplicité des raccords entre les divers éléments avec, le plus souvent, un film MINCE (on ne beurre pas des tartines... ) de graisse aux silicones. Cette façon de faire, fruit de nombreux essais, est appliquée sur l'ensemble des diverses pompes que nous avons réalisées, même pour vide élevé ; des graisses spéciales existant pour cette dernière application.

Par contre plusieurs essais malheureux nous ont rappelé qu'il faut proscrire de la construction de la pompe certaines matières plastiques, particulièrement les polyamides (NYLON) qui, par suite de leur affinité pour l'humidité de l'air qu'elles absorbent jusqu'à 3% de leur poids, se feront un plaisir de la restituer au pompage sous forme de vapeur d'eau limitant fortement l'efficacité de la pompe. Egalement ne pas utiliser de laiton ou autre tuyau en cuivre, pourtant d'emploi si pratique, mais que le mercure va grignoter avec apparition d'une forte pollution à sa surface. Donc utiliser de l'acier, inoxydable de préférence...

Telle quelle, le moteur tournant paisiblement à 30 tours par minute, la pompe donne un vide variant entre 0,05 Torr avec un tube NORPRENE et du mercure usagé et "quelque chose"... (restons prudents) proche de 0,001 Torr avec du mercure très propre et tube VITON.

Même dans le cas le plus défavorable cela permet quantité d'essais, notamment dans la zone de 10 à 1 Torr, point de transition entre les pompes primaires et les pompes pour vide élevé, comme nous le verrons ultérieurement. L'emploi d'un moteur assurant l'autonomie de la pompe permet de se consacrer entièrement aux essais en cours, même si ce confort est obtenu au prix d'un moindre vide limite au bout d'un certain temps.

Malgré les limites inhérentes à ce genre de pompe nous lui devons beaucoup coté apprentissage... deux exemples entre cent : comment récupérer des billes de mercure tombées à terre, entre les lames de parquet, au moyen d'une seringue médicale en guise d'aspirateur... ou encore attendre (longtemps... ) que le vide s'établisse, faute d'avoir raccordé les tuyaux en sortie de pompe... passons...




Avant d'abandonner ces vénérables ancêtres il convient d'en montrer quelques exemples remarquables : extraits de "La Science et la Vie" de juillet 1920 deux modèles où le relevage du réservoir de mercure s'effectue au moyen d'un ensemble manivelle-volant-poulies etc...


modèle 1

modèle 2

Mis à part la présentation des pompes "barométriques", l'article décrit l'ensemble des pompes anciennes et actuelles (en 1920...), certaines, très efficaces, venant d'apparaître ; et ceci est d'autant plus intéressant que nous connaissons leur développement futur.

En octobre 1934 un autre article fera à nouveau le point sur l'état de la technique des pompes a vide... Nous avons vu plusieurs fois, dans des brocantes, les deux revues... A ne pas laisser passer car ce sont deux excellents documents sur l'évolution de ces matériels...

On trouvera ci-dessous le modèle utilisé par EDISON pour vider les lampes à incandescence : c'est un peu plus simple...


pompe EDISON

Ici le relevage du mercure est confié aux mains d'un opérateur qui fait alternativement monter et descendre le réservoir de mercure. En fait nous avons regroupé l'ensemble des pompes utilisant du mercure et des tubes barométriques sous le vocable de "trompe à mercure", alors que les deux exemples ci-dessous font plutôt appel à la circulation du mercure dans divers volumes où il comprime ou déplace l'air a éliminer au lieu d'une simple chute en chapelet de la trompe à mercure conventionnelle. Quoi qu'il en soit toutes ces pompes ont en commun un nombre parfois impressionnant de tubes en verre témoignant de l'habileté de leur réalisateur.




Terminons par ce qui nous semble avoir été un chef d'oeuvre dans le genre : vers 1875/1876 William CROOKES réalise une longue série d'essais pour obtenir le "vide absolu". Avec l'aide de GIMMINGHAM (qui était un remarquable souffleur de verre) il utilise une trompe avec un puis trois et, enfin, sept tubes de chute. Ajoutant à cela de nombreux perfectionnements de détails il arrive à descendre à une pression de 10-8 atmosphère.


pompe CROOKES




Les pompes volumétriques

Après l'entrée en matière via les trompes à mercure et les nombreux essais consécutifs, il devient évident que, comme la théorie le prévoit, le vide limite a espérer dans notre cas sera, au mieux, voisin de 0,001 Torr donc insuffisant. Enfin le débit est faible et met la patience à rude épreuve... Ceci conduit à deux étapes dans le pompage d'un tube : une pompe primaire étant chargée d'abaisser rapidement la pression à un niveau où une pompe secondaire prendra la relève pour parfaire l'opération... Intéressons nous à la première pompe.

Parmi les multiples possibilités nous avons tout d'abord été tentés par la classique pompe a piston, réminiscence, dans un autre genre, des machines a vapeur de notre période "modèles réduits" ; il y a bien longtemps... Suivant le schéma ci-après on reconnaît quelque chose ressemblant à un moteur à quatre temps pour automobile.


pompe à piston

La comparaison s'arrête là : les soupapes sont remplacées par des clapets permettant l'admission et le refoulement de l'air déplacé par le piston. La principale difficulté réside justement dans la marche de ces clapets : ils ne sont pas pilotés par un quelconque arbre à cames, la dépression et la compression agissent seules sur eux pour obtenir leur ouverture. Vers les basses pressions (quelques Torrs) les poids et résistance mécanique des clapets sont capables de s'opposer au libre passage de l'air. Les poids et efforts doivent donc se limiter à quelques grammes, grand maximum.

Un autre ennemi sournois se trouve dans le "volume mort" : quel que soit le soin apporté à la construction il existe toujours quelques millimètres cubes qui traînent ici ou là et sont, dans une pompe à un étage, amenés en fin de remontée du piston à une pression égale à la pression atmosphérique plus "quelque chose" nécessaire pour ouvrir le clapet d'échappement.

Au cours de sa descente le piston va détendre le résidu d'air qui ne s'est pas échappé et, à un certain moment, la pression sera enfin suffisamment basse pour vaincre l'effort demandé pour forcer l'ouverture du clapet d'admission ; ceci limitant naturellement la pression minimale au niveau de l'effort imposé par le clapet. Le volume mort peut être réduit par une construction soignée amenant le piston pratiquement au contact du bas des chambres portant les clapets. (Il restera toujours le volume des chambres)

Nous avons réduit cet espace à près d'un centième de millimètre au moyen de roulements à billes et à aiguilles pour les divers embiellages. Toutefois il restera toujours le volume des logements des clapets : après de multiples essais nous employons une bille de 6 mm de diamètre avec un joint torique pour siège coté échappement, un clapet en silicone (rescapé d'un détendeur de plongée sous-marine...) coté admission. Cette pompe est représentée dans ses diverses évolutions.





image 1

image 2

Pour mémoire, un essai de clapets pilotés par des électro-aimants, annulant les efforts à un moment soigneusement choisi du cycle, s'est révélé un peu trop délicat à l'usage bien qu'assez efficace. Une pompe réalisée suivant ce principe est également représentée : on voit les capots des électro-aimants en haut de la pompe, leur système de commande par capteur optique de position étant visible au niveau du vilebrequin.


capteur optique




Avec un alésage de 32 mm et une course de 25 mm, un vide de l'ordre de 6 Torrs est obtenu en une à deux minutes dans les diverses enceintes utilisées pour ces essais (50 à 100 centimètres cubes). Arrivé à ce stade deux points sont encore à améliorer : le vide atteint qui est un peu "juste" pour attaquer correctement la pompe secondaire. Plus grave en pratique l'effort à vaincre par le moteur d'entraînement varie considérablement au cours d'un tour de vilebrequin : durant la descente du piston celui-ci est le siège de deux efforts antagonistes ; la face supérieure reçoit un appui minime de la part de la pression interne (dès que le piston commence à descendre), par contre la face inférieure du piston est constamment soumise à la pression atmosphérique. A la remontée du piston les choses s'améliorent quelque peu... mais la différence d'effort entre montée et descente du piston reste importante. La solution de ces deux défauts se trouve dans l'emploi d'une pompe a deux étages dont les mouvements seront décalés de 180 degrés.


2 étages

Ainsi les efforts sur les faces inférieures des pistons se compenseront très largement, l'embiellage étant chargé d'encaisser les efforts alternés de traction et de compression. Enfin la mise en cascade des deux pompes permet d'obtenir un vide convenable pour l'attaque de la pompe secondaire. On retrouve ce qui précède sur la vue d'ensemble de la pompe qui, avec des clapets en silicone et billes évoqués plus haut, donne un vide limite un peu en dessous de 1,5 Torr. A l'usage, tournant imperturbablement à 30 tours par minute, cette pompe est particulièrement fiable et demande très peu d'attention. De plus elle est très agréable a regarder en fonctionnement... un petit air "rétro" qui récompense des nombreuses heures consacrées à sa réalisation...




Dans la gamme des pompes primaires nous avons ensuite envisagé la désormais classique pompe rotative a palettes. Bien qu'étant également une pompe volumétrique régie par la loi de Boyle-Mariotte, elle substitue un simple mouvement rotatif au mouvement alternatif de la pompe a pistons. Le dessin ci-contre donne une idée de sa constitution interne : un rotor, excentré par rapport au cylindre le contenant, est fendu suivant son diamètre, une lame coulissant sans jeu dans cette fente.


pompe rotative

Au cours de la rotation le déplacement radial de la lame fait varier le volume, d'une part entre l'orifice d'aspiration et la lame, et également entre la lame et l'orifice d'échappement. Pour peu que les fuites internes soient faibles on voit que l'air est constamment aspiré puis refoulé par le déplacement de la lame. En pratique les jeux, au demeurant très faibles, sont obstrués par un mince film d'huile. Cette dernière est continuellement admise par un petit trou muni d'un robinet pointeau, l 'excédent étant refoulé par la palette qui racle la paroi du cylindre et expulse un mélange air/huile par la soupape.

Dans les petites pompes (notre cas bien sûr) l'ensemble de la pompe est placé dans un boîtier rempli d'huile à faible tension de vapeur (ici BIOBLOCK type A, tension de vapeur 4x10-7 mm à 20°), donc aucune possibilité de rentrée d'air parasite. Pour peu que l'on place deux pompes en cascade on obtient aisément un vide très inférieur à 1 Torr, les meilleures atteignant 0,001 Torr, soit un vide comparable à celui des trompes à mercure, mais avec un débit beaucoup plus élevé ; une dizaine de litres par seconde n'a rien d'exceptionnel...

Avant d'aller plus avant il faut rappeler qu'elles furent réinventées par GAEDE au début du siècle. "Réinventées" parce qu'elles rappellent beaucoup une pompe à eau dite "du Prince Rupert" vers 1650, elle-même citée par Ramelli en 1588... Ceci n'enlève rien au génie de GAEDE à qui l'on doit également la pompe "à escargot", une petite merveille d'ingéniosité qui, avec son mercure tournant dans un tambour muni d'un hublot, vous a un petit air de machine a laver. Dans la foulée il invente en 1915 la pompe à vapeur de mercure qui, reprise et améliorée par LANGMUIR , sera au coeur de tous les systèmes de pompage durant des décennies. Enfin il est également l'inventeur de la pompe moléculaire dont nous aurons l'occasion de reparler... Dommage qu'il soit mort misérablement en 1945 de diphtérie et de malnutrition... Cette fin est a rapprocher de celle de F. HOLWECK, qui avait repris et amélioré sa pompe moléculaire, tout aussi tragique et à peu près à la même époque.




Mais revenons à notre pompe : elle comporte deux étages dont le rotor de 50 mm de diamètre tourne dans un cylindre de 60 mm avec des palettes de 20 mm de large. Tournant aux environs de 300 tours par minute elle amène en cinq minutes une enceinte de 200 centimètres cubes à 0,02 Torr, ceci étant une sensible amélioration vis-à-vis de la pompe à pistons. Nous obtenons à nouveau une pompe très fiable demandant un minimum d'entretien, très suffisante pour nos objectifs de débit et pression. Le corps de pompe proprement dit est enfermé dans un carter de 105 mm de diamètre, rempli d'huile pour assurer l'étanchéité.


ensemble démonté


Au fond le rotor avec les deux fentes recevant les palettes présentes au premier plan.

Des joints du type "à lèvre" évitent les fuites sur l'arbre d'entraînement. Cet entraînement est assuré par un ensemble moteur/démultiplicateur ramenant vers 300 tours minute la vitesse d'un petit moteur électrique. L'emploi de courroies crantées, associées à des roues adaptées à ce genre de courroies, serait à préférer au démultiplicateur à pignons droits utilisé dans notre cas. Le fonctionnement nettement moins bruyant facilitant le réglage auditif de l'admission d'huile par le robinet à pointeau, en écoutant les petits claquements de la soupape a bille soulevée à chaque passage du rotor sous la poussée du mélange air/huile. Dans le cas présent le bon réglage sera celui donnant le meilleur vide indiqué sur un manomètre de Pirani... Pas assez d'huile donnant un vide insuffisant, un excès provoquant des efforts inutiles sur les palettes et un ralentissement de la vitesse de rotation... A ce propos il convient, avant mise sous tension du moteur, de faire tourner le rotor manuellement sur un ou deux tours, afin d'évacuer le surplus d'huile qui peut avoir rempli la chambre et, étant incompressible, opposera un effort anormal au départ de la pompe. Egalement un joint d'Oldham relie le démultiplicateur à l'arbre de la pompe pour éviter un cintrage de l'axe du rotor consécutif à un effort latéral transmis par la pignonnerie du démultiplicateur. Cela serait également indispensable dans le cas d'emploi de courroies pour ne pas transmettre une composante de traction sur l'arbre de la pompe. Ce type de joint autorise des écarts d'alignement tout en éliminant le problème évoqué ci-dessus. Pour mémoire le rotor passe à 0,01 mm de la paroi des chambres, dans la zone située entre les orifices d'admission et d'échappement et il convient d'éviter toute cause de détérioration par torsion ou traction... Un filtre séparant l'air et l'huile est placé au dessus de la pompe. En effet, au début du pompage, de petits geysers d'huile ont la fâcheuse habitude de sortir de la pompe... ce qui est du plus bel effet sur son environnement si l'on n'y met pas bon ordre...




Si la pompe à palettes réunit les qualités des pompes précédentes, à savoir le débit élevé de la pompe à pistons plus un niveau assez bas obtenu de la pompe à mercure, il n'empêche que ce dernier vide est encore insuffisant pour l'emploi projeté. Notre objectif initial étant de vider un volume de 100 centimètres cubes pour l'ensemble tube plus canalisations, ce qui est très peu. Coté valeur du vide nous souhaitons obtenir mieux que 10-5 mb... Cette relative imprécision confirme bien notre désir d'un bon vide, au sens du début des années vingt, sans pour autant prétendre aux 10-10 mb des pompes turbomoléculaires actuelles. Ceci nous place largement au dessous du vide des premiers Audions, ou encore des tubes "mous" réservés à la détection. Donc il nous faut à nouveau envisager la réalisation de quelque chose de plus performant, uniquement sous l'angle du vide limite. Délaissant les pompes à vapeur de mercure ou d'huile, le coté "belle mécanique de précision" nous a attiré vers la pompe moléculaire : comme déjà mentionné elle est due à GAEDE qui propose en 1912/1913 le montage du croquis ci-dessous.


croquis

On y trouve un rotor tournant rapidement dans une enceinte où un vide préliminaire de quelques Torrs a déjà été obtenu. Les molécules d'air qui rebondissent aléatoirement contre les parois reçoivent une petite impulsion au contact du rotor, ceci dans la direction du sens de rotation. Par suite elles sont incitées à se diriger, par chocs successifs, vers l'orifice de sortie. Bien que très simple en apparence ce principe impose une réalisation mécanique très délicate : la vitesse périphérique du rotor doit être du même ordre de grandeur que la vitesse des molécules se déplaçant à plusieurs centaines de mètres par seconde. Ceci oblige soit à un rotor de grand diamètre tournant relativement doucement, ou bien de plus petit diamètre mais tournant très vite. Si au début les pompes tournaient entre 3000 et 10000 tours par minute, les réalisations actuelles pédalent aux alentours de 100000 tours par minute. De ce qui précède on déduit aisément que les problèmes de paliers (roulements a billes) ou d'équilibrage (vibrations) sont assez délicats à résoudre. Les jeux entre rotor et enceinte doivent être très réduits pour ne pas offrir une échappatoire aux molécules qui tentent de revenir en arrière malgré les sollicitations du rotor. Un jeu de 0,02 à 0,05 mm (grand maximum) est la règle. Enfin le problème de l'entraînement du rotor par un moteur tournant forcément très vite n'est pas à priori évident. Ces problèmes mécaniques ont longtemps freiné le développement de ce type de pompe au profit des pompes à vapeur de mercure ou d'huile qui n'ont pas d'éléments internes mobiles.




On doit toutefois à Fernand HOLWECK, en 1923, un type de pompe moléculaire très évolué vis-à-vis du modèle originel. Ceci est visible sur la vue en coupe qui permet d'apprécier les principales innovations :


pompe HOLWECK

D'abord la présence de deux canaux hélicoïdaux dans le stator et, surtout, le moteur dont le rotor fait partie de la zone de la pompe qui est sous vide primaire. Un mince capot de métal non magnétique assurant l'étanchéité, tout en laissant agir le champ magnétique du stator. La grande longueur développée des canaux donne sa pleine efficacité au principe des chocs successifs tout en offrant un débit satisfaisant. On trouve la description de ces pompes en 1923 dans "L'onde Electrique".

L'apport de Fernand HOLWECK à la technique du vide est remarquable et permettra la réalisation de tubes démontables pour d'éventuelles réparations (changement du filament), un pompage en permanence ne posant pas de problème en raison de la grande fiabilité de cette pompe. Après une éclipse de près de trente ans ce type de pompe est de nouveau revenu au premier plan , surtout dans la version turbomoléculaire où une turbine a aubes (analogue à un réacteur d'avion) précède une pompe dérivée de celle que nous venons de voir.

Vis-à-vis des pompes à vapeur de mercure ou d'huile on apprécie l'absence de rétrodiffusion de vapeur polluante vers l'enceinte à vider. Egalement le vide obtenu est très bas et limité, en principe, uniquement par le dégazage des matériaux constituant la pompe, pour peu que le vide préliminaire soit suffisamment bas. A notre niveau le vide à espérer sera également dépendant de la première pompe, la pompe a palettes étant ici satisfaisante.





dessin


Pompe moléculaire




Va donc pour une pompe moléculaire... Oui mais... il apparaît vite que les paliers ou le moteur placés dans l'enceinte sous vide posent problème... Après évaluations des diverses objections (et de nos possibilités...) le principe d'un rotor en porte-à-faux en bout de l'arbre moteur est retenu suivant les vues de détail ci-dessous. Choix fait après étude attentive des catalogues ou notices techniques des sociétés réalisant du matériel pour l'industrie du vide... BALZERS-VEECO-SOGEV. S'il y a un large fossé entre le matériel actuel et nos objectifs, ce n'est pas une raison pour ne pas s'informer et... garder les pieds sur terre.


coeur de la pompe


Le coeur de la pompe moléculaire : le rotor (à gauche) et les deux stators coniques.

En fait la première opération consiste a trouver un moteur de petite taille capable de tourner à plus de 10000 tours minute et entraînant un rotor peu chargé, puisque l'air, déjà raréfié, offre peu de résistance à la rotation. Une possibilité réside dans la reconversion des ventilateurs miniatures utilisés dans le matériel aviation. La place leur étant chichement attribuée ils sont obligés de tourner très vite afin de compenser leurs petites dimensions pour brasser un volume d'air satisfaisant. Alimentés en triphasé 400 Hz leur consommation est généralement assez élevée pour atteindre les 15000 ou 20000 tours, l'air opposant une forte résistance à ces régimes au déplacement des ailettes du rotor. Quelques exemples : 27 volts triphasés pour les 9000 tours du ventilateur diamètre 25 mm dans l'émetteur-récepteur ARC44 ; 115 volts toujours triphasés dans le Collins 618T qui monte à 20000 tours ; enfin 21500 tours avec 40 volts pour les ventilateurs de la société française L.M.B.

Dans notre application on peut tabler sur une sensible réduction de la consommation suite à la diminution des frottements évoqués plus haut. Par contre on peut s'attendre à un dégazage notable des produits d'imprégnation des bobinages... Ceci nous ramène au douloureux souvenir d'un excellent moteur diphasé Sadir-Carpentier, récupéré dans les "surplus", qui acceptait sans broncher de tourner à 24000 tours (ou a peu près... "glissement" oblige) sous 400 Hz au lieu des 3000 tours sous 50 Hz de son utilisation normale. Toutefois l'animal sentant à plein nez l'imprégnation de ses bobinages il fût décidé de le faire dégazer sous vide... la suite sera moins heureuse... une malencontreuse panne de la régulation thermique de l'enceinte sous vide qui s'emballe, et le malheureux moteur dégaze pour de bon, calciné à point... Ce problème de dégazage, commun à tous les types de moteurs envisagés devenant préoccupant, nous avons finalement récupéré un moteur fabriqué par la société PRECILEC, bien connue pour ses excellents "synchros-répéteurs-selsyns". La gamme comprend aussi divers moteurs tournant à vitesse élevée, souvent employés dans la technique du vide, leur imprégnation est donc tout naturellement adaptée à notre projet... Un souci de moins...




Un autre point critique concerne les roulements à billes qui sont très sollicités : si le faible poids du rotor en aluminium implique de faibles charges tant statiques que dynamiques, il reste la vitesse de rotation à 24000 tours par minute qui limite le choix, du moins dans les fabrications standard. Nous avons finalement opté pour des 608 de S.N.R, indiqués comme pouvant accepter un maximum de 31000 tours minute. Comme il persiste toujours un léger jeu, surtout dans le sens axial, il serait préférable d'utiliser des roulements a contacts obliques, avec précharge réglable, analogue au type RA8220 de la société R.M.B, dont le prix reste très acceptable. Toutefois, dans notre cas où l'axe de la pompe est vertical, l'utilisation de roulements courants s'est avérée satisfaisante, seule une légère vibration autour de 4000/5000 tours étant perceptible, les choses s'apaisant au delà. Un autre point important concerne la graisse lubrifiant les roulements : il existe de nombreuses graisses pour la technique du vide, mais la plupart sont destinées aux applications statiques et ne conviennent pas forcément aux pièces en mouvement. Nous utilisons finalement de la graisse pour haute vitesse GV de S.N.R qui, de plus ne dégaze pas de manière appréciable à notre niveau, même chauffée vers 60 degrés aux environs de 1 Torr, ceci étant dans la moyenne de notre vide préliminaire.




Enfin le rotor doit être parfaitement équilibré, toutes les séquences d'usinage étant prévues pour obtenir une concentricité rigoureuse dès le départ car il est pratiquement impossible, à notre niveau, d'équilibrer un ensemble rotor pompe/rotor moteur. De plus la précision des cotes ne donne pas droit à l'erreur. Pour alimenter le moteur un générateur 400 Hz triphasé est réalisé suivant un schéma classique. Un oscillateur a réseau déphaseur 3x120° attaque trois amplificateurs équipés de TDA2003. L'impédance de sortie de ces amplificateurs (quelques ohms) est adaptée au moteur via des transformateurs sur pots de ferrite. La montée en régime étant assez lente (2 minutes pour la stabilisation à 24000 tours) elle s'accompagne d'une relative surcharge du générateur triphasé et, par suite, d'une abondante production de calories évacuées par un radiateur et un ventilateur. Une fois le synchronisme 400 Hz/24000 tours établi il est possible de réduire la charge des amplificateurs au moyen (rustique...) de l'introduction d'un trio de résistances en série avec les enroulements du moteur. Une photographie a présenté les éléments internes de la version finale de la pompe.


version finale

Le rotor de 60 mm de diamètre, conique, tourne entre deux stators portant les canaux hélicoïdaux. L'assemblage du tout donne un bloc diamètre 100 sur une hauteur de 150 mm dans lequel un compte-tours, incorporé dans la base, permet de suivre le bon fonctionnement de la pompe : montée en régime... synchronisation.




Résultat de ces nombreux essais de diverses pompes, on voit, réunies sur un support commun, les deux pompes volumétriques (à pistons et à palettes), reliées, à travers un robinet, à un petit réservoir de vide. Ainsi le vide préliminaire est obtenu de l'une ou l'autre pompe, la pompe moléculaire prenant la suite. Le réservoir de vide, isolé en amont si le robinet est fermé, donne une autonomie suffisante pour se passer des pompes primaires, une fois l'ensemble convenablement évacué. Un manomètre (jauge de Pirani) contrôle en permanence le niveau du vide pour, le cas échéant, relancer la pompe primaire si la pression remonte trop.


ensemble final

Dans la pratique la pompe moléculaire fonctionne d'autant mieux que le vide préliminaire est maintenu à la faible pression (0,02 mb) de la pompe a palettes. A l'inverse elle perd toute efficacité si la pression remonte trop et "décroche" vers 10 à 12 mb Ce qui laisse une marge...

De même la vitesse de rotation de la pompe à palettes a une influence sensible sur le vide obtenu : si son premier étage est capable de donner une pression de l'ordre du millibar dès 150 à 200 tours par minute, grâce aux joints d'huile qui assurent une bonne étanchéité, la situation est différente pour le deuxième étage, a vide plus élevé. Ce dernier n'utilisant pas de joint d'huile, l'étanchéité est seulement obtenue par les faibles jeux entre rotor-palettes-chambre. Cela donne une conductance entrée-sortie réduite qui est acceptable puisque la différence de pression est, tout au plus, d'un millibar. Encore faut-il que les palettes tournent assez vite pour compenser ces fuites naturelles : vue sous cet angle, notre pompe qui tourne vers 300 tours par minute se hâte lentement comparée aux pompes commerciales qui tournent sensiblement plus vite (vers 500/600 tours par minute). Mais nous avons déjà évoqué les bruits de pignonnerie de notre démultiplicateur... Aussi 300 tours seront décrétés "bons".

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