1 - Retour aux sources

Au cours de la réalisation du petit émetteur précédemment décrit, et plus particulièrement pour la partie amplification de puissance, il y avait souvent en arrière pensée qu'il serait plus logique d'utiliser des triodes TM pour retrouver pleinement les conditions du début des années vingt. C'était alors le seul tube accessible à l'amateur moyen... qui le mettait d'ailleurs souvent à rude épreuve.

Oui mais voilà... ces vénérables ancêtres sont rares, chères, et forcément fragiles plus de quatre-vingts ans après leur fabrication. La dernière remarque concerne plus particulièrement le filament dont l'état de santé est à priori inconnu : durée d'utilisation, avec un chauffage plus ou moins intense suivant les montages. Ceci indépendamment du chauffage plus ou moins prolongé à 6 volts durant le pompage, suivi du "durcissement" du tube après sa fabrication.

Quoi qu'il en soit le courant maximum (de saturation) de ces tubes tourne autour de 12 mA pour un chauffage avec 4 volts sous 0,7 ampère, valeurs confirmées par de nombreux auteurs : C. GUTTON-M. VEAUX-L. BRILLOUIN etc. Ce courant est donc assez limité, sauf si l'on pousse à 6 volts le chauffage... A vos risques et périls... En 1924 Paul BERCHE évoque le sort des tubes TM suralimentés à 6 volts. "Ils durent un mois avant de rendre l'âme ; ils s'en vont vers l'ouest"... suivant une expression chère aux amateurs Américains.

Mis à part le filament, il est également possible que le vide, déjà plus ou moins poussé à l'origine, se soit dégradé : dégazage résiduel des électrodes ou du verre suite à un emploi à puissance élevée. Enfin on peut craindre une lente rentrée d'air par les microfuites résultant d'une étanchéité imparfaite entre les fils de sortie et le verre du pied... quatre-vingts ans c'est long, même avec un tube reconnu bon à l'origine. Cette crainte est a rapprocher de l'observation de R. ALINDRET (QST Français 7/1924) "Il n'est pas rare de trouver remplie d'air une lampe qui était bonne quelques jours auparavant". Tout ceci donnera de jolies effluves bleues et un tube impropre à notre emploi.

Un filament constitué par du tungstène "pur", donc ni "thorié" ni recouvert d'oxydes, fournit un courant électronique directement lié à sa température, elle même dépendant de la puissance (tension x courant) appliquée. Ce flux d'électrons disponibles augmente considérablement dès que le filament dépasse 2400 degrés, une faible variation de la puissance de chauffage provoquant un accroissement important du courant utilisable.

Le tungstène pur donne 1 mA de courant plaque "utile" par watt filament selon CLIQUET (tome 1 page 96), alors que R. WARNER propose plutôt de rapporter le courant cathodique utilisable au courant de saturation par Ic=Is/6 (Etude du fonctionnement des lampes dans le 'Haut Parleur' n°810)... cela nous ramène toujours au chauffage filament...

Ceci explique pourquoi les Amateurs poussaient à 6 volts le filament de leurs tubes TM reconvertis en émission. Par suite la solution logique se trouvait dans l'emploi d'un filament consommant nettement plus et délivrant finalement 40 ou 50 mA à la saturation.

Dès octobre 1922 on voit la publicité pour les triodes E4 dont le filament chauffé sous 6 volts avec 2,3 ampères autorise un courant de 62 mA sous 800 volts. On trouve également dans la première édition du livre de Paul BERCHE (page 348) des informations sur le filament de diverses lampes d'émission du moment... Destinée aux émetteurs de la catégorie "50 watts", la triode E4 est représentative des tubes "à cornes" où les connexions grille et plaque se trouvent sur l'ampoule, et non plus sur le culot, afin de réduire les capacités parasites et en permettre l'emploi en ondes courtes. Pour l'anecdote cette forme de tube était surnommé "Kamerad" en allusion aux soldats Allemands qui se rendaient en levant les bras.

Rapidement adopté par les Radio-Amateurs du moment on trouve ce tube au coeur des émetteurs de 8BA - 8BV - 8BN (Paul BERCHE) ce dernier utilisant un tube "refilamenté", cette opération étant assez courante en ce temps là, en raison du prix très élevé des tubes.

Bien que prévue pour l'emploi projeté nous avons renoncé a utiliser notre vénérable triode E4 après lecture d'un numéro spécial de 'La T.S.F. Moderne' consacré à l'émission d'amateur :

J. LABORIE décrit minutieusement deux émetteurs, dont un utilise la triode E4. Dans ses conseils de mise au point, une mise en garde mérite d'être prise en considération... "Nous avons là une lampe de grand prix et une fausse manoeuvre peut parfaitement la faire trépasser"... Cette éventualité étant redoutable cette lampe est donc d'un emploi tout aussi aléatoire que celui d'une TM ordinaire reconvertie en émission...

Ceci nous conduit a envisager de réaliser nous-mêmes le tube souhaité...




A ce stade, et avant de se lancer dans l'aventure, il faut rendre hommage à ceux qui ont déjà réalisé cela a titre individuel : le plus connu étant, selon nous, Monsieur H. MIGNET, nous ne pouvons mieux faire que de reproduire, en Annexe, la série d'articles publiée au début des années vingt dans "La T.S.F. Moderne"... A lire et relire plusieurs fois pour admirer...

Après ce retour aux sources du véritable Amateurisme (avec un A majuscule... du latin amator ; de amare aimer, donc rien, ici, de péjoratif... P. BERCHE serait content...) on peut tirer divers enseignements sur les problèmes et les solutions apportées... à cette époque.

Quatre-vingts ans plus tard il est facile de voir les défauts des lampes obtenues par Monsieur MIGNET. En premier lieu le niveau de vide limité par l'emploi d'une trompe à mercure aux alentours de 0,001 mb ; ce vide imparfait amenant des effluves en cas d'utilisation du tube avec une tension plaque dépassant 50 volts.

Dans "Au delà des ondes perdues" deux témoignages sur le problème du vide :

Lucien CHRETIEN se souvient des Amateurs qui fabriquaient eux-mêmes leurs tubes :

"Ces fanatiques soufflaient le verre et avaient fabriqué une trompe à eau pour faire le vide"

On rappelle également que F. DUROQUIER, dans ses conseils pour réaliser une triode, cite l'emploi d'une pompe à vide utilisant le robinet de l'évier. Aujourd'hui, faute de détails complémentaires, on peut supposer qu'il s'agissait de pompes utilisant l'eau pour remonter le mercure dans la pompe principale, puisque l'emploi de l'eau dans une trompe limite le vide aux alentours de 15 millibars donc parfaitement insuffisant... Revenons à Monsieur MIGNET.

Ensuite le choix des métaux, de plaque notamment, et l'absence de dégazage des éléments qui devaient peu à peu détériorer le vide. Enfin l'assemblage des divers éléments qui demande des doigts de fée... au moins... La soudure platine cuivre, entr'autres, nous laisse rêveur.

Entendons-nous bien, il n'est pas question ici de réaliser une TM avec des performances "années 2000", mais de se rapprocher de l'illustre modèle, ne serait-ce que pour se conformer au dicton

SAVOIR C'EST BIEN... FAIRE C'EST MIEUX



Avant d'aller plus loin il faut rappeler que la forme ou l'assemblage d'une éventuelle triode ne sont pas forcément figés dans la descendance directe de la TM. Coté forme on sait que le tube initial de LEE DE FOREST était très éloigné de celle habituelle où la plaque entoure l'ensemble grille-filament. La disposition centrale du filament avec la plaque et la grille situées de part et d'autre se retrouve dans le tube électromètre PHILIPS 4060 (M. ADAM décrit ce tube en montrant sa différence par rapport aux modèles habituels). On trouve déjà ce tube dans "L'Onde Electrique", numéro spécial de mai 1935, ou encore L. CHRETIEN "Théorie et pratique de la radioélectricité". Du coté de l'assemblage on se reportera aux lampes démontables de F. HOLWECK souvent décrites (par exemple "Toute la Radio" de juin 1934).

En fait il faut convenir que la forme et conception générale de la TM étaient pratiquement parfaites pour l'époque, du moins dans la version où les éléments sont positionnés à l'horizontale. On consultera avec intérêt la brochure "Grande et petite histoire de la triode TM" de R. CHAMPEIX ; de même "leGénéral FERRIE" par Michel AMOUDRY donne de nombreux détails sur la mise au point du tube.

Les dimensions des éléments internes de la triode TM, ainsi que la nature des métaux utilisés, sont reconstitués, et confirmés, à partir de diverses sources : H. MIGNET (La T.S.F. Moderne 1920/1921), ou Robert CHAMPEIX dans la brochure déjà citée.

Quelques légères différences existent toutefois entre les tubes réalisés sous les marques FOTOS ou METAL. Le nickel est employé dans les deux cas pour la plaque avec un diamètre de 8 ou 10 mm pour une longueur de 15 mm. Le filament de tungstène, diamètre 0,051 à 0,059 mm est long de 21 ou 23 mm pour le chauffage normal 4 volts 0,7 ampère.

Par contre la grille montre plus de variations :

métal diamètre du fil diamètre pas nb. de tours longueur
FOTOS molybdène 0,2 mm 4,5 mm 1,3 mm 12 16 mm
METAL nickel 0,3 mm 4,0 mm 1,7 mm 11 19 mm

Dans son cours de T.S.F. (1926) M. VEAUX donne les courbes détaillées Ip/Vg des deux marques, au demeurant très voisines, les valeurs ci-dessous étant bien sûr des moyennes variant légèrement suivant les exemplaires, dans chaque marque.

coeff. amplif. pente résistance int. Courant de saturation
FOTOS 10,5 0,4 mA/V 23000 ohms 14 mA
METAL 9 à 10 0,4 mA/V 24000 ohms 11 mA

Au passage signalons que M. VEAUX décrit longuement les émetteurs a étincelles amorties et arcs ou alternateurs haute fréquence en ondes entretenues ; ce qui fait de son ouvrage une référence précieuse sur ces sujets bien oubliés...

Avant de revenir au temps présent, une remarque... Monsieur H. MIGNET est très probablement le même que celui cité par C. PEPIN (F8JF/F1001 "père" de la radiocommande en France) , dans le numéro spécial consacré à la télécommande par "Le Haut Parleur" en décembre 1966. Leur collaboration étant la suite de la rencontre de deux Amateurs exceptionnels ayant marqué leur époque... Il semble que Monsieur H. MIGNET était également le père du "pou du ciel" très petit avion qui eut son heure de gloire...




Après ces détours il est donc temps de revenir à notre sujet principal... la triode.

Au terme de la lecture de nombreux ouvrages sur le sujet, et compte tenu de notre volonté de rester proche du modèle de base, il est devenu évident que le filament est le coeur du tube, en particulier si ce dernier doit délivrer tant soit peu de puissance. Ceci conduit a mesurer le courant électronique qu'il est possible d'obtenir de filaments de diamètre ou longueur variés, le tout soumis à un chauffage plus ou moins énergique... Toutefois il existe de nombreux tableaux dans les ouvrages détaillant le problème, ce qui permet de débroussailler le terrain et évite de grossières erreurs.

Quelques références sur le sujet :

Cette petite liste n'est pas limitative, mais ces trois livres, et le dernier en particulier, valent la peine que l'on casse sa tirelire pour les obtenir... (Nous en avons trouvés, bien esseulés, dans des brocantes...)

En dépit des précieux renseignements fournis par ces livres nous avons préféré passer à un peu d'expérimentation ne serait-ce que pour sortir du coté livresque de la question... De plus certains détails doivent être vérifiés par la pratique... par exemple l'influence des deux points de fixation du filament qui empêchent ses extrémités d'atteindre la même température que le centre du filament ; donc émission électronique réduite d'autant... H. BARKHAUSEN analyse cela avec quelques détails mathématiques, mais, à nos yeux, rien ne vaut un essai.

Les résultats obtenus sont donnés en laissant momentanément de coté les problèmes de réalisation du vide, ou de sa mesure, qui sont ici supposés résolus...

Pour faciliter le changement et la comparaison entre divers filaments, le plus simple est d'utiliser un dispositif démontable inspiré, en plus modeste, des travaux de H. HOLWECK. Après diverses tentatives intermédiaires, nous utilisons un ensemble qui se compose d'une embase métallique munie des arrivées du courant de chauffage, une petite cloche en verre recouvre le tout, un joint torique en Viton assurant l'étanchéité.


montage d'essai (1)

A propos d'étanchéité : les arrivées du courant de chauffage sont isolées par des tubes en verre collés avec le mélange Scotch-Weld 2216 B/A de la Société 3M. Cette colle bi-composants, une fois durcie, dégaze peu et autorise son emploi dans des enceintes à vide entretenu. Hormis le filament l'ampoule recouvre le collecteur d'électrons qui est soit un cylindre de nickel diamètre 10x15 mm, soit une spirale en molybdène faisant office de grille pour vérifier son comportement dans l'opération de dégazage par bombardement électronique.


montage d'essai (2)

Sur le croquis montrant l'intérieur de l'embase on note les ailettes refroidissant l'extrémité des arrivées du courant filament. Elles limitent la température dans une zone où les joints de colle risquent de se dégrader sous l'action d'une chaleur excessive... A quelques centimètres de là nous avons un filament qui dépasse allègrement les 2000 degrés, aussi l'action bienfaisante d'un petit ventilateur aérant les arrivées de courant est-elle appréciée...

Les ailettes de plus gros diamètre font partie d'un cylindre de cuivre ayant fait office de plaque, pour des essais préliminaires, avant passage à la petite cloche en verre.

Pour les divers essais une tension de 400 volts est appliquée entre plaque et filament.




- Filament diamètre 0,15 mm x 18 mm de long :


If (A) 3,15 3,25 3,30 3,35 3,40 3,35 3,39 3,41 3,37
Ip (mA) 5 10 15 20 30 40 50 60 70

La tension aux bornes du filament est de 2,6 à 3 volts à la naissance du courant plaque.

Ce premier relevé met en évidence la très rapide augmentation de l'intensité plaque pour de petites variations du courant filament. On note également que le courant plaque final est obtenu avec une intensité filament inférieure à celle venant d'être relevée : ceci a été observé sur d'autres mesures et suggère que le filament doit être stabilisé (rodé... ? ...) avant d'être utilisé au régime souhaité. Durant cet essai, compte tenu du refroidissement apporté par les supports du filament, on peut estimer que seulement un centimètre de tungstène est réellement productif d'électrons, sa température dépassant les 2500 degrés la définition de l'aspect "blanc éblouissant" est parfaitement justifiée. Un autre essai, avec un filament de mêmes diamètre et longueur, mais disposé différemment a confirmé les mesures précédentes.

- Filament diamètre 0,15 mm x 26 mm de long :

Avec 3,2 ampères sous 5,15 volts ce filament délivre 70 mA sur la plaque qui est cette fois constituée par un tube de nickel diamètre 10 mm x 25 mm de long, au lieu de l'anode massive en cuivre des essais précédents. Le tube en nickel, porté au rouge sombre avec 70 mA, passe au rouge vif dans sa partie centrale sous un courant de 100 mA obtenu avec 3,2 ampères sous 5,3 volts sur le filament. A nouveau on constate la forte variation du courant plaque pour un faible changement de l'intensité du chauffage, ceci étant du reste assez difficile a mesurer avec une grande précision, l'ajustage du chauffage filament étant assez "pointu" à ce stade.

- Filament diamètre 0,12 mm x 23 mm de long :

Cette fois l'anode est munie de deux petites ailettes améliorant la dissipation. Elle passe au rouge sombre, sous 100 mA, environ 5 secondes après application de la haute tension mais sans arriver au rouge vif. Le chauffage filament est de 2,28 ampères sous 4,47 volts.

Le courant plaque retombe à moins de 1 mA avec un chauffage de 1,5 ampères x 2 volts.

On observe que, pour un même courant plaque, ce filament absorbe seulement 10,2 watts contre 17 watts pour celui de l'essai précédent. Autre point intéressant : au cours de la montée graduelle du chauffage, avec la tension plaque appliquée, plusieurs décharges du genre "arcs" se produisent mais disparaissent une fois le régime maximum atteint. Après plusieurs montées de 0 à 100 mA le problème disparaît. Cela est peut-être dû à la libération brutale de gaz occlus, ou encore à la volatilisation de particules lubrifiantes utilisées au cours du tréfilage du tungstène. Quoi qu'il en soit... il faut purger le filament sans tension plaque.

Les anomalies évoquées ci-dessus sont à rapprocher d'une étude sur le nettoyage des filaments de tungstène pour tubes électroniques, parue dans la revue "Le Vide" en novembre 1950. Il s'agit, pour l'essentiel, de se débarrasser du graphite colloïdal servant de lubrifiant au cours de l'opération de tréfilage : hormis les procédés purement chimiques, par la soude, on se débarrasse du graphite par chauffage sous vide au dessus de 1000 degrés... notre cas.

L'étude évoque également la variation de la "température de brillance", mesurée au pyromètre optique, sur des filaments ayant subi des températures élevées, ceci étant à rapprocher de certaines de nos mesures suggérant un "rodage" du filament... à suivre.

- Filament diamètre 0,05 mm x 23 mm de long :

Avec ce filament nous retrouvons pratiquement celui de la triode TM. A partir de cet essai, pour réduire les risques d'arcs susceptibles de détruire le filament, une résistance est placée en série avec la source de haute tension, ceci diminuant en conséquence la tension appliquée. Celle-ci avec 470 volts à vide aux bornes d'un condensateur de 125 microfarads est capable de décharges fatales pour un filament qui devient nettement plus fragile.


Vf 6,72 6,87 6,98 7,13 7,23 7,36
Ip (mA) 50 60 70 80 90 100
Vp (V) 340 320 300 270 250 230
N.B. : résistance de 1000 ohms en série avec la HT

Pour le tableau ci-dessus le courant filament a été relevé pratiquement constant à 0,56 A entre 50 et 100 mA sur la plaque, alors que la tension de chauffage montait régulièrement.

Ceci justifie le conseil de P. BERCHE ( et d'autres) de mesurer plutôt la tension filament que le courant, H. BARKHAUSEN proposant lui de régler le chauffage pour obtenir le courant de saturation désiré. A nouveau on comparera la puissance de chauffage, 4,15 watts à celle des premiers essais. Pour confirmer l'ensemble des essais ci-dessus une mesure sur un filament de petit diamètre, assez court, est réalisée suivant divers paramètres.

- Filament diamètre 0,05 mm x 13 mm de long.


If Vf Ip R série Vp
0,63 4,12 10
6400
400
0,64 4.38 20
-
300
0,65 4,58 30
-
230
---- ---- --- ------ ---
0,60 3,96 10
1000
450
0,62 4,24 20
-
420
0,62 4,36 30
-
400
0,62 4,50 40
-
370
0,62 4,65 50
-
350
0,63 4.83 60
-
330
0,63 4,95 70
-
300
0,61 5,17 80
-
280
0,61 5,26 90
-
260
0,61 5,36 100
-
240
---- ---- --- ------ ---
0,59 5,33 100
330
310
0,55 5,01 100
-
310
0,52 5,02 100
-
310
0,50 5,00 100
-
310
 
Période de "rodage/purge" du filament
pour éviter les arcs.
 
 
 
Montée en puissance...
 
 
Noter la valeur presque constante
de If, la tension Vf étant plus variable.
 
 
 
 
 
 
<- Anode rouge sombre...
 
En fin d'essai la puissance filament
diminue pour un même courant
plaque... Filament "décrassé" ???
 
<- Anode rouge clair (31 watts)

Sur cet essai la puissance absorbée par le filament est, en gros, de 2,5 à 3 watts, à rapprocher des essais précédents. Ceci ne doit pas faire oublier que le filament est nettement plus sollicité, et que sa température plus élevée abrège d'autant sa durée suite à l'évaporation.

Suivant les "bons auteurs" on admettra qu'un filament sera détruit lorsqu'il aura perdu 10% de son diamètre, ceci arrivant d'autant plus vite qu'il est plus chaud, ce qui conduit tout naturellement à l'emploi de filaments de plus gros diamètres avec l'inconvénient d'avoir des puissances de chauffage très élevées... Une autre possibilité consiste à augmenter la longueur du filament, pour un même diamètre, mais nous aurons rapidement une "cathode" qui ne sera pas du tout équipotentielle, problème plus particulier au cas d'emploi du tube en réception.




Pour en finir avec les essais de filaments... Vérification du comportement de la future grille pendant l'opération de dégazage par bombardement électronique.

Un enroulement de 12 tours, en fil de molybdène diamètre 0,21 mm, bobinés sur un diamètre de 4 mm x 16 mm de long fait office d'anode. Avec un courant de 50 mA sous 350 volts (17 watts dissipés) la spirale ne montre pas de signe de déformation. Si l'examen visuel de cette "grille" ne laisse rien deviner de ce qu'elle subit, on peut néanmoins supposer qu'elle est portée à une température très élevée en raison de la dissipation qu'elle supporte, surtout si on compare avec le cylindre de plaque, en nickel, qui rougit avec des puissances certes plus élevées, mais réparties sur une plus grande surface. La proximité du filament incandescent ne permet pas vraiment de distinguer un changement dans la forme ou la couleur de la spirale.

Au terme des essais sur divers filaments, notre choix s'est orienté sur un diamètre de 0,1 mm pour un bon compromis entre puissance de chauffage/température/courant de saturation.

D'ailleurs le livre de P. BERCHE déjà cité mentionne ce filament comme étant celui de la lampe d'émission de 10 watts. Cette dernière valeur peut paraître modeste, mais il ne faut pas oublier que la plaque en nickel ne doit pas, sans risque de dégradation, dissiper plus de 1,5 watt au centimètre carré, soit ici environ 7 watts, ce qui est acceptable pour notre projet.

Quoi qu'il en soit le nickel "nu" (métal brillant) convient pour la réalisation de la plaque dont la température ne devrait pas dépasser 900 degrés. En cas d'une dissipation plus importante, faute de pouvoir utiliser du métal carburé (noirci), dont le facteur d'émissivité est quadruple, l'emploi du molybdène autoriserait un doublement de la température...

Avant de clore le chapitre "filament", quelques remarques sur la grande différence entre la résistance à froid, au moment de sa mise sous tension, et celle atteinte en service normal.

Les constantes thermiques du tungstène données par différents auteurs sont éloquentes :

la résistivité à froid, exprimée en microhms/cm, est de 6 à 8 pour BERCHE, 5,66 à 6 pour BIGUENET, et 5,51 pour TERMAN, une valeur moyenne de 6 étant donc représentative.

Ceci change radicalement au moment où le filament chauffe, pour atteindre 70 à 90 vers 2000 à 2300 degrés, température prise comme référence par BERCHE. Par ailleurs TERMAN et BIGUENET donnent 0,0045 et 0,0053 (par degré) au coefficient de variation de la résistivité. Globalement ces chiffres concordent pour arriver à un décuplement de la résistance "à chaud", vis-à-vis de celle "à froid", ce que confirme la formule Rch=Rfr(1+K(Tch-Tfr)).

Dans ces conditions une triode TM, qui présentait une résistance normale de l'ordre de 6 ohms, devait démarrer avec guère plus de 0,5 ohm... soit un courant instantané de 7 ampères.

Bien entendu cette valeur excessive ne durait qu'une fraction de seconde, le très faible volume du filament étant rapidement amené à la température normale de fonctionnement.

On retrouve cela dans le livre de R. CHAMPEIX, dans le tableau des divers paramètres des filaments de tungstène, un rapport de 13 a 15 étant observé vers 2400 à 2700 degrés.

Ce qui précède est aisément vérifié sur des petites ampoules alimentées par les piles plates de 4,5 volts bien connues : la résistance "à froid" est très inférieure à celle relevée sous 4,5 V, on passe de 1,5 ohm au repos à une douzaine d'ohms en marche normale. Il faut toutefois noter que le choc thermique initial est moins sévère compte tenu de la résistance interne des piles classiques. Dans le cas de la triode TM, généralement alimentée par des accumulateurs au plomb, un rhéostat en série sur le circuit des filaments trouvait toute sa justification. En ce qui nous concerne, une montée ou descente graduelle, et automatique, de la tension filament sera à prévoir; ceci ne présentant pas de difficulté avec l'électronique actuelle...



complément du 06/10/2005

Allongement du filament porté à une température élevée...

Bien que le coefficient de dilatation du tungstène soit assez réduit (environ 4,5 10-6 aux alentours de 2500 degrés...) ceci produit néanmoins une augmentation de la longueur d'environ un pour cent, soit 0,23 mm pour le filament habituel des triodes dérivées de la TM.

Cet allongement, bien que modeste, peut parfaitement amener la destruction du tube à sa première mise sous tension, ou, pour le moins, provoquer un défaut de centrage vis-à-vis de la grille... Ceci pour deux raisons : tout d'abord le fil de tungstène garde une "mémoire" de son enroulement sur la bobine ou il a été stocké, ce qui amène un cintrage qu'il est difficile de corriger parfaitement par une action mécanique simple (traction... pliage...).

Finalement le plus simple, à notre niveau, sera de suspendre un poids de quelques centaines de grammes (voire un kilogramme...) au bout d'un mètre de fil placé en position verticale... Après quelques heures de ce traitement le plus gros des déformations aura disparu.

Il restera toujours une petite contrainte résiduelle qui se libèrera, à l'allumage du filament, sous la forme d'une déformation imprévisible. Il est toutefois possible d'améliorer les choses en soumettant encore le fil à une traction assez forte tout en l'amenant au rouge naissant avec un courant bien dosé. Ce procédé n'est pas anodin : un chauffage insuffisant ne produit pas d'amélioration, à l'inverse un excès peut amener une cristallisation du métal qui va devenir cassant... de plus la surface du fil sera recouverte d'un oxyde qu'il est souhaitable d'éliminer. Dans le cas présent un courant de 1,35 Ampère traversant notre filament de 0,1 mm, toujours soumis à une traction d'un kilogramme, l'amène au rouge naissant observé en l'absence de tout éclairage ambiant... le fil de tungstène est maintenant bien droit...

Revenons à la dilatation (incontournable...) de notre filament : en supposant ses deux points de fixation invariables en position, son allongement se traduira par une déformation en arc de cercle, donc régulière, ou, autre cas, en "chapeau chinois" ce qui nous paraît être plus probable compte tenu du fait que le tungstène est sensiblement plus chaud, donc moins tenace, au centre qu'aux extrémités... Petit retour sur les bancs de l'école : nous avons deux triangles rectangles joints par leurs petits cotés... la somme des deux hypoténuses vaut 23,23 mm... pour l'ensemble des deux cotés opposés à l'hypoténuse on a 23 mm... combien vaut le petit coté? Si vous trouvez 1,63 mm... bravo vous êtes dans les "bons". Les autres, les cancres, doivent se replonger dans les affres du théorème de Pythagore... bof ! De fait ce millimètre et demi de déformation (nous vous ferons grâce des centièmes...) va rapprocher le filament de la grille et, pour peu qu'il subsiste un peu des contraintes évoquées plus avant, le cumul des deux va provoquer un court circuit dévastateur... chaleur et lumière...

Bien entendu le remède à tout ceci est connu et se présente sous la forme d'un ressort qui est supposé compenser les variations de longueur du filament... Malgré cela une réalisation plus ou moins empirique n'a pas évité à plusieurs de nos premiers tubes un décès prématuré.




La lecture des "bons auteurs" n'éclaire pas vraiment le sujet... toutefois Charles BIGUENET, dans "Les Cathodes Chaudes" met en évidence la chute vertigineuse de la résistance à la traction du tungstène en fonction de la température. Les centaines de kg/mm2 constatées aux températures modérées tombent à 2,5 kg/mm2 à 2500 degrés, voire un maigre kg/mm2 à 3000 degrés... Par suite, pour disposer d'une marge de sécurité, il est conseillé de ne pas dépasser 250 à 300 grammes au mm2, ceci pour tenir compte de la température de purge du filament qui va s'établir vers 2800 degrés... soit moins de 3 grammes pour un filament de 0,1 mm de diamètre. Dans ces conditions on apprécie mieux la difficulté de réalisation d'un tel ressort qui doit conserver son élasticité au voisinage d'un filament particulièrement chaud.

Ce dernier point est confirmé par le passage au rouge plus ou moins vif de nos premiers ressorts qui étaient directement reliés à l'extrémité du filament... dans ces conditions il est plus que probable que le molybdène du ressort déclare forfait et ne remplit pas son office.

La solution se trouve dans la présence d'un "radiateur" soudé en partie haute du filament : une petite lame de nickel (2x10 mm) repliée en forme de U limite la température subie par le ressort attaché à ce point. Bien sûr ceci réduit aussi quelque peu la température atteinte à cette extrémité du filament ; mais cela n'est pas réellement grave et rejoint les remarques de BARKHAUSEN ou LANGMUIR sur l'influence des points de fixation du filament.




Reste à réaliser un ressort en molybdène, seul métal envisageable ici, présentant une flexion de l'ordre du millimètre pour des efforts de quelques grammes... pas évident car les paramètres ne sont pas du domaine habituel de la sensibilité des doigts de l'amateur moyen.


balance

On voit ci-dessus les moyens mis en oeuvre pour contourner la difficulté : une balance de précision indique le poids, donc l'effort, exercé par le ressort fixé sur un comparateur qui montre le déplacement correspondant... A priori, dans notre cas, ce ressort, compte tenu de la modicité de l'ensemble course/effort, peut être réduit à sa plus simple expression : un fil de petit diamètre, soudé sur la tige d'arrivée du courant de chauffage, cambré pour obtenir la précharge désirée, est soudé à son autre extrémité sur le "radiateur" du filament... Partant de divers essais avec l'enceinte démontable un diamètre du fil du ressort de 0,25 mm a été retenu. La distance entre les deux points d'ancrage du ressort étant imposée par la nature et la disposition des éléments du tube, ceci limite à 7 mm la partie active du ressort et conduit aux valeurs indiquées ci-après, moyennes des mesures effectuées sur plusieurs exemplaires :

Déplacement du comparateur 0,1mm 0,2mm 0,3mm 0,4mm 0,5mm
"Poids" indiqué par la balance 2,5g 4,5g 7g 9,5g 11g

En se limitant à une course d'un demi millimètre le ressort conserve toute son élasticité et ne montre pas de signe de déformation permanente, par contre au delà d'un millimètre de course il ne revient pas parfaitement à son point de départ.




Pour obtenir des déplacements plus importants il faut faire appel au bobinage en spirale du fil à la manière du ressort des anciennes pinces à linge... Divers essais ont également été faits sur ce type de ressort : deux tours de fil de molybdène, cette fois de diamètre 0,21 mm, enroulés sur un diamètre intérieur de 1,5 mm sont encadrés par de petites lamelles de nickel afin de rigidifier les fils d'arrivée au "bobinage"... Dans ces conditions on obtient une course quatre fois plus importante pour un même effort exercé sur la partie mobile du ressort.

Il faut toutefois noter que la longueur de fil utilisée dans cette version est pratiquement le double du ressort précédent : ceci se traduisant par une augmentation correspondante de la résistance électrique du fil parcouru par le courant de chauffage (sans parler du diamètre...)

Nous avons mis un certain temps pour comprendre la raison de la chute du courant de saturation des tubes munis de ce type de ressort, ceci pour une même tension d'alimentation du filament... Au final le plus simple étant, comme souvent, le meilleur, la simple tige a été conservée. Bien entendu il s'agit ici d'une base de départ qui sera à utiliser en tenant compte d'une éventuelle remise en ligne droite du filament, ou encore de la température subie par le ressort qui va perdre quelque peu de son efficacité. Ces deux éléments conduisant à augmenter sensiblement la précharge dûe à la seule dilatation du filament... un doublement ayant donné de bons résultats dans notre cas... (filament de diamètre 0,1 mm raisonnablement rectiligne). Il restera à fixer une extrémité du ressort choisi sur un montant latéral de l'ensemble, ensuite un cambrage (précharge...) sera effectué avant soudure sur le "radiateur" en partie haute...

Au terme de cette évocation de l'aspect "filament" du tube, au demeurant passionnant et qui mériterait d'être encore développé, il faut revenir sur un problème que nous avons supposé résolu, à savoir le vide, son obtention et sa mesure... tout au moins à notre échelle...

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